Nous avons tous nos histoires, ces tranches de vie qui jalonnent nos existences et forgent la personnalité de tout un chacun. Certains d’entre nous s’acharnent à ruminer les blessures, d’aucuns ne se souviennent que des « bons moments », d’autres encore vont même jusqu’à idéaliser le passé, ou s’autorisent carrément à l’embellir.
Dans son roman autobiographique « Le Château de verre », Jeannette Walls décrit une enfance difficile avec des parents bohèmes qui s’intéressaient plus à leur liberté et à leur indépendance qu’au bien-être de leurs enfants.
Le cinéaste Destin Daniel Cretto qui avait fait forte impression en 2013 avec l’excellent « States of Grace (Short Term 12) », a choisi d’adapter ce livre, de coécrire le scénario avec Andrew Lanham et de travailler à nouveau avec Brie Larson, qui joue le rôle de « Jeannette » de la fin de l’adolescence jusqu’à l’âge adulte.
La caméra de Destin Daniel Cretton se fait témoin de l’enfance de « Jeannette » dans les années 1960/1970, jusqu’en 1989 quand, devenue journaliste, elle rédigeait des chroniques relatant les potins de la scène new-yorkaise. Une caméra qui suit les six membres de cette famille sillonnant l’Amérique avec tous leurs effets personnels attachés au-dessus de leur voiture cabossée, fuyant les énièmes créanciers de « Rex » (Woody Harrelson), ou suivant son dernier rêve improbable en date.
« Rex » est du genre à passer des heures à râler contre les travers d’une société trop conventionnelle à son goût, il ne peut pas (ou ne veut pas) garder un emploi, faisant vivre ses enfants dans l’espoir d’un avenir meilleur et allant jusqu’à l’élaboration de plans et devis pour la construction de la maison idéale, ce fameux « Château de verre » titre du livre et du film !
La mère de famille, « Rose » (Naomi Watts), est une artiste libre d’esprit, alcoolique et encore moins habitée d’instincts parentaux que son mari. Elle est aussi responsable que lui des abus qu’il fait subir à sa famille et pourrait être en fait le personnage le plus intéressant des deux, même si l’histoire se concentre beaucoup plus sur « Rex ».
Le film raconte surtout l’histoire de « Jeannette ». Comment a-t-elle a réussi à dépasser cette enfance difficile. Comment s’en est-elle affranchie pour se réapproprier sa vie et sa liberté et réussir en tant qu’écrivain ?
Le contraste entre la misère noire de sa cabane en Virginie occidentale et l’appartement à un million de dollars qu’elle partage plus tard avec son fiancé (Max Greenfield) donne une dimension assez cynique au rêve américain.
Le jeu des acteurs est excellent tout au long du film, Woody Harrelson livre une interprétation digne d’un Oscar, il parvient à incarner à la fois le rêveur et le raté qu’était Rex.
Naomi Watts donne de la consistance à son personnage et transforme « Rose », la mère de famille, en quelqu’un que nous avons l’impression de connaître et, du moins partiellement, comprendre.
Brie Larson est quant à elle bluffante de justesse, crevant l’écran en adolescente forcée par son entourage à faire preuve d’une maturité précoce. Un désespoir d’enfant qui cédera plus tard la place à la froideur d’une adulte essayant de toutes ses forces de laisser son passé derrière elle.
La performance la plus remarquable de toutes cependant est celle d’Ella Anderson, magistrale dans le rôle d’une « Jeannette » adolescente.
La plupart de ceux qui vont voir, ou ont vu ce film, n’ont pas eu l’enfance problématique de « Jeannette », mais même si on ne s’identifie pas forcément aux personnages, les faits relatés dans le film peuvent pousser le spectateur à créer des parallèles avec son propre vécu. Plus que l’histoire d’une enfance bafouée, le film est surtout une réflexion sur les hauts et les bas de la vie familiale.
Si les puristes peuvent reprocher à l’adaptation de Destin Daniel Cretto le fait de ne pas être totalement fidèle au livre, « Le Château de verre » est malgré cela un film poignant, touchant, offrant au spectateur des moments troublants de vérité !
Rex (Woody Harrelson) s’adressant à ses enfants, leur assène : « Vous êtes nés pour changer le monde, pas seulement pour y ajouter du tapage ».
« Le château de verre » aura beau ne pas changer le monde, il arrive néanmoins à se situer un cran au-dessus des films qui font beaucoup de tapage à Hollywood.